Le télétravail est-il la solution au coût carbone des déplacements domicile-travail ?

CUMIN (C) Mars 2023

Outre les effets rebond, le télétravail en lui-même a un coût carbone qui n’est pas moindre que celui de l’ensemble des mobilités utilisées pour les trajets domicile-travail.

Face au coût carbone que représentent les déplacements domicile-travail (voir la fiche CUMIN « Mobilité »), le télétravail pourrait être vu comme une réponse tangible puisqu’il annule ces déplacements.

Quel est le coût du télétravail ?

Le télétravail participe au coût carbone du numérique qui, on le sait désormais, représente l’équivalent d’un 7e continent de 2 à 3 fois la taille de la France [1]. L’estimation des émissions de gaz à effet de serre (GES) du numérique et de celles du télétravail seul a longtemps beaucoup varié. C’est finalement grâce au confinement, qui a accéléré le travail à domicile, que les études sur le coût carbone du télétravail ont été plus nombreuses et ont permis de proposer le chiffre relativement fiable de 157g CO2eq par heure de visioconférence pour zoom [2]. Ce chiffre très bas semble défier le coût carbone de tout type de mobilité motorisée.

Le télétravail est-il moins émetteur de CO2eq que les déplacements domicile-travail ?

Cela dépend des cas. Dans le cadre de l’action « Carbon Care » du projet europeen PANDA [3] et de CUMIN, une étude comparative a été réalisée à partir du cas particulier d’une équipe de recherche du L2EP de l’Université de Lille. Cette étude prend en compte les émissions de GES de la mobilité réelle des membres de cette équipe et les compare à celles d’autres schémas de mobilité (100% véhicule thermique, 100% métro, 100% véhicule électrique) et de la visioconférence (selon la moyenne d’heures passées quotidiennement en réunion par les uns et les autres lors du confinement) [4] (voir Annexe).

 

Type de mobilité de l’équipe de recherche

mobilité réelle

100% télétravail

100% métro

100% véhicule thermique

100% véhicule électrique

Emissions GES (kg CO2 eq)

10 958

1 861

456

20 327

7 603

Emissions de GES (kg CO2 eq) par schémas de mobilité

Cette étude montre que le schéma 100% véhicule thermique est celui qui émet le plus de GES. Elle montre aussi que, dans le cas de cette équipe de recherche de l’Université de Lille, le schéma 100% métro est celui qui émet le moins de GES et non le schéma 100% télétravail comme on aurait pu l’imaginer.

L’annulation du trajet domicile-travail mais qu’en est-il des autres trajets ?

De plus, il a été montré que le télétravail engendre des « effets rebond » [5] : la mobilité en étoile depuis le domicile tout au long de la journée plutôt qu’intégrée au trajet principal (domicile-travail), le véhicule stationné au domicile qui peut être utilisé par d’autres membres de la famille ou encore la relocalisation péri-urbaine ou rurale du domicile contribuent au contraire à l’augmentation des émissions de GES [6].

 

Outre les effets rebond, le télétravail en lui-même a un coût carbone qui n’est pas moindre que celui de l’ensemble des mobilités utilisées pour les trajets domicile-travail.

Références

[1] F. Bordage, « Empreinte environnementale du numérique mondial », GreenIT.fr, p. 11.

[2] R. Obringer et al., « The overlooked environmental footprint of increase Internet use », Resources, Conservation & Recycling, 167, 2021, doi: 10.1016/j.resconrec.2020.105389.

[3] project-panda.eu/carbon-care/

[4] A. Bouscayrol et al., « Comparisons of GHG emissions of on-site working and teleworking: case study of a research group », 2021 IEEE Vehicle Power and Propulsion Conference (VPPC), Gijon, Spain, 2021, pp. 1-4, doi: 10.1109/VPPC53923.2021.9699220.

[5] Greenworking & ADEME, « Étude sur la caractérisation des effets rebond induits par le télétravail », 2020.  (www.ademe.fr/mediatheque)

[6] E. D. Viana Cerqueira et al., « Does working from home reduce CO2 emissions? An analysis of travel patterns as dictated by workplaces », Transportation Research Part D: Transport and Environment, vol. 83, June 2020, doi: 10.1016/j.trd.2020.102338.

Annexe – étude de cas : schémas réel et 100% visioconférence

L’étude comparative réalisée dans le cadre du projet Européen PANDA et de CUMIN [4] prend en compte les émissions de GES de la mobilité réelle des membres d’une équipe de 21 personnes. Afin d’établir les chiffres annuels (kg CO2eq), le mode de déplacement, le facteur d’émissions et le nombre de km effectués ont été pris en compte (tableau 2).

Ces chiffres sont présentés en parallèle de ceux des émissions de GES du télétravail des mêmes 21 personnes pour la même durée de travail. Afin de les établir (kg CO2eq), la moyenne des heures passées quotidiennement en réunion au laboratoire lors du confinement a servi à définir le nombre d’heures de connexion visioconférence. Ce nombre et le facteur d’émission de la visioconférence ont été pris en compte (tableau 3).

  Tableau 2 : émissions de GES avec le mode de déplacement habituel                 Tableau 3 : émissions de GES du schéma 100% télétravail

La comparaison des chiffres des 2 tableaux montre que le télétravail peut baisser les émissions de GES pour certains (les cases en vert dans le tableau 3). On observe également que certaines personnes augmentent leur empreinte avec le télétravail en raison du mode de transport habituel dont les émissions de GES sont très basses (les cases en rouge dans le tableau 3). Les autres ont globalement les même GES.